Le syndrome du stress post-traumatique dans le contexte du travail d'urgence
- Martin

- 9 déc.
- 3 min de lecture
Dernière mise à jour : 12 déc.
Le syndrome de stress post-traumatique (SSPT) est une réalité trop fréquente dans le monde du travail d’urgence. Policier·ère·s, paramédic·s, pompier·ère·s, répartiteur·trice·s 911, infirmier·ère·s à l’urgence ou en soins intensifs : tous et toutes sont exposés, jour après jour, à des situations potentiellement traumatisantes. Comprendre le SSPT dans ce contexte est essentiel pour mieux protéger celles et ceux qui protègent les autres.
Qu’est-ce que le SSPT?
Le SSPT est un trouble de santé mentale qui peut se développer après l’exposition à un événement traumatique : accident grave, agression violente, décès soudain, catastrophe, menace à sa propre vie ou à celle d’autrui. Chez les travailleurs d’urgence, cette exposition n’est pas exceptionnelle : elle est répétée. Une intervention seule ne provoque pas toujours un SSPT, mais l’accumulation de scènes difficiles augmente le risque de façon importante.
Le diagnostic se caractérise par quatre grands groupes de symptômes persistants (au-delà d’un mois) :
Revécu : souvenirs intrusifs, cauchemars, flashbacks, impression de « revivre » la scène;
Évitement : éviter certains lieux, personnes, activités ou conversations qui rappellent l’événement;
Altérations cognitives et émotionnelles : culpabilité, honte, colère, sentiment de détachement, difficultés de mémoire ou de concentration;
Hypervigilance : sursauts exagérés, irritabilité, troubles du sommeil, état d’alerte constant.
Lorsque ces symptômes nuisent au fonctionnement au travail, en famille ou socialement, il est important de consulter.
Pourquoi le travail d’urgence est-il particulièrement à risque?
Plusieurs facteurs propres aux métiers d’urgence augmentent la vulnérabilité au SSPT :
1. Exposition répétée à des traumatismes
Accidents mortels, suicides, incendies, violence conjugale, décès d’enfants : ce sont des réalités fréquentes pour les intervenants. À la longue, l’accumulation de ces événements use la « carapace » professionnelle.
2. Sentiment de responsabilité
Les travailleurs d’urgence ont souvent l’impression que la vie des autres dépend directement de leurs décisions. En cas de décès ou de séquelles graves, ils peuvent ressentir une culpabilité intense, même si l’issue ne dépendait pas réellement d’eux.
3. Contraintes organisationnelles
Manque de personnel, horaires de nuit, temps supplémentaires, faible reconnaissance, pression médiatique ou administrative : ces facteurs amplifient l’impact émotionnel des interventions difficiles et limitent le temps de récupération.
4. Culture de performance et de contrôle
Dans les milieux policiers, paramédicaux ou incendie, on valorise le sang-froid, la force et la capacité à « prendre sur soi ». Demander de l’aide peut être perçu – à tort – comme un signe de faiblesse, ce qui retarde la prise en charge.
Signes à surveiller chez les intervenants
Le SSPT ne se résume pas à « ne plus être capable de travailler ». Les signes peuvent être plus subtils :
changements d’humeur marqués, irritabilité, accès de colère;
isolement social, retrait de la vie familiale;
consommation accrue d’alcool, de médicaments ou de drogues pour dormir ou « décrocher »;
cynisme, perte de motivation, attitude détachée face aux victimes;
erreurs inhabituelles, difficultés de concentration ou d’organisation;
troubles du sommeil persistants, cauchemars récurrents.
Lorsque plusieurs de ces éléments sont présents après un événement marquant ou une série d’interventions difficiles, il est important de prendre la situation au sérieux.
Prévention et soutien : un enjeu collectif
Prévenir le SSPT dans le contexte du travail d’urgence demande plus qu’un simple « prenez soin de vous ». C’est un enjeu organisationnel et culturel.
Préparation et formation : offrir une formation sur les réactions normales au stress traumatique, les mécanismes de défense, les signes d’alerte et les ressources disponibles permet de diminuer la culpabilité et la peur d’être jugé.
Débriefings et soutien de pairs : les groupes de soutien par des collègues formés, combinés à des rencontres de débriefing après des événements critiques, permettent de partager le vécu émotionnel et de briser l’isolement.
Accès rapide à des professionnels : psychologues, travailleurs sociaux, médecins de famille ou programmes d’aide aux employés doivent être facilement accessibles, sans bureaucratie excessive ni stigmatisation.
Gestion bienveillante : les superviseurs jouent un rôle clé. Reconnaître la difficulté de certaines interventions, offrir du temps de récupération, ajuster la charge de travail et soutenir les demandes d’aide favorisent la récupération.
Se rappeler que demander de l’aide, c’est professionnel
Enfin, il est crucial de rappeler que le SSPT n’est ni un manque de caractère ni une faiblesse. C’est une réaction humaine à des situations inhumaines, dans lesquelles les travailleurs d’urgence sont plongés régulièrement. Consulter, parler à un collègue de confiance, à un proche ou à un professionnel de la santé, c’est un geste de responsabilité – pour soi, mais aussi pour les collègues et les citoyens que l’on sert.
Prendre soin de la santé mentale des intervenants d’urgence, ce n’est pas un luxe : c’est une condition essentielle pour garantir des services de qualité à la population, aujourd’hui et demain.


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