L’histoire des services ambulanciers au Québec : des corbillards aux paramédics
- Martin

- 29 nov.
- 4 min de lecture
L’histoire des services ambulanciers au Québec est assez récente si on la compare à celle de la médecine ou même des pompiers. En un peu plus d’un siècle, on est passé de corbillards bricolés en « ambulances » à un réseau de techniciens ambulanciers paramédics hautement formés, coordonnés à l’échelle provinciale.
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Les premiers véhicules d’ambulance
Les premières ambulances modernes apparaissent à la fin du XIXᵉ siècle, dans les grands centres urbains. À Montréal, l’Hôpital général met en service un véhicule d’ambulance en 1883, suivi de l’hôpital Notre-Dame en 1884.
À cette époque, l’ambulance sert surtout à transporter rapidement les blessés vers l’hôpital, sans réel soin en route. Les conducteurs ne sont pas des professionnels de la santé : ce sont parfois des employés d’hôpital, parfois… des entrepreneurs de pompes funèbres qui utilisent aussi leurs corbillards pour le transport de malades. L’urbanisation et l’augmentation des accidents industriels et routiers vont toutefois rendre ces services de plus en plus indispensables.
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Des corbillards aux « services ambulanciers » (1950-1970)
Après la Deuxième Guerre mondiale, le parc automobile explose et le réseau routier se développe. Les accidents de la route se multiplient et la demande pour des transports d’urgence augmente. Dans plusieurs régions, les « ambulances » sont exploitées par des garages, des taxis ou des salons funéraires, avec très peu de normes et de formation.
Au milieu du XXᵉ siècle, on commence à parler d’« ambulanciers » au sens moderne : des personnes dont le travail principal est de répondre aux appels d’urgence et de transporter les patients. Mais le système reste très fragmenté : tarifs variables, équipement inégal, couverture parfois lacunaire en région.
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Les années 1970 : naissance de la profession d’ambulancier
Un tournant majeur survient au début des années 1970. En 1972, le Québec adopte la Loi 27, première législation provinciale encadrant les services ambulanciers. Celle-ci précise les responsabilités de l’État et des exploitants d’ambulances, et ouvre la porte à des programmes de formation structurés pour les ambulanciers.
C’est à ce moment que l’on commence vraiment à professionnaliser le métier : protocoles de soins de base, équipement standardisé (civières, oxygène, défibrillateurs simples), formation en réanimation et immobilisation des victimes de traumatismes. L’ambulancier n’est plus seulement un chauffeur : il devient un intervenant de première ligne.
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Les grandes réformes et la création d’Urgences-santé
Dans les années 1980, le gouvernement du Québec se penche sérieusement sur l’ensemble de la chaîne préhospitalière. Des rapports et comités successifs recommandent une meilleure coordination des services, une centralisation des appels et un encadrement clinique plus serré.
Dans la région de Montréal et de Laval, cela mène à la création d’Urgences-santé au début des années 1980, d’abord comme centre de coordination pour une vingtaine de services ambulanciers privés, puis comme société publique paramédicale à part entière en 1989. Urgences-santé devient responsable de la répartition des ambulances, du centre de communication médicale et, graduellement, du développement clinique des pratiques. C’est aussi l’une des premières organisations à tester des modèles de soins préhospitaliers avancés avec médecins et paramédics spécialisés.
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Syndicalisation, coopératives et statut de technicien ambulancier paramédic
Parallèlement, les ambulanciers s’organisent. À Québec, la Coopérative des techniciens ambulanciers du Québec (CTAQ) est fondée en 1988, à la suite de plusieurs années de revendications pour de meilleures conditions de travail et une reconnaissance professionnelle accrue.
Dans les années 1990-2000, le titre de technicien ambulancier paramédic (TAP) s’impose. Des règlements détaillent les activités professionnelles qui ne peuvent être exercées que par des paramédics formés et titulaires d’un permis, sous l’encadrement de la Loi sur les services de santé et de la Loi sur les services préhospitaliers d’urgence. Les TAP deviennent des professionnels de la santé à part entière, avec une formation collégiale, des protocoles médicaux précis et un suivi clinique continu.
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2002 : la Loi sur les services préhospitaliers d’urgence
En 2002, une pièce maîtresse vient structurer l’ensemble du système : la Loi sur les services préhospitaliers d’urgence (chapitre S-6.2). Cette loi vise à garantir « en tout temps (…) une réponse appropriée, efficiente et de qualité » aux personnes faisant appel à un service préhospitalier.
Elle clarifie les rôles de chacun : ministère de la Santé, régies régionales (aujourd’hui CISSS/CIUSSS), exploitants ambulanciers, municipalités et premiers répondants. Elle encadre la délivrance des permis, la planification des ressources, la qualité clinique et la répartition des appels. En bref, elle transforme un patchwork de services en un véritable réseau provincial organisé.
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Le système d’aujourd’hui : un maillon clé de la chaîne de survie
Aujourd’hui, les services ambulanciers au Québec font partie d’un système de « services préhospitaliers d’urgence » qui inclut :
les TAP sur ambulances terrestres ;
les premiers répondants (souvent pompiers ou bénévoles) ;
les services médicaux aériens pour les régions éloignées ;
les centres de communication santé qui reçoivent et priorisent les appels.
Les paramédics disposent d’équipements sophistiqués (monitorage cardiaque, médicaments d’urgence, dispositifs d’immobilisation, etc.) et appliquent des protocoles basés sur les meilleures preuves scientifiques. Cependant, le réseau fait face à d’importants défis : hausse du volume d’appels, pénurie de main-d’œuvre, pression sur les urgences hospitalières. Un rapport du Vérificateur général en 2025 souligne par exemple que les ambulanciers passent en moyenne près de la moitié de leur temps d’intervention à attendre avec les patients à l’urgence, ce qui retarde la disponibilité des véhicules pour de nouveaux appels.




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