Corée: une guerre méconnue
- Martin

- 8 déc.
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L’implication canadienne dans la guerre de Corée (1950-1953) constitue un chapitre souvent méconnu de l’histoire militaire du pays, mais elle a joué un rôle majeur dans la définition du Canada d’après-guerre : un allié engagé, prêt à défendre la sécurité collective sous l’égide de l’ONU.
Lorsque la Corée du Nord, soutenue par l’Union soviétique et la Chine, envahit la Corée du Sud en juin 1950, les Nations unies réagissent rapidement et demandent à leurs membres de fournir une assistance militaire. Le Canada, qui sort à peine de l’effort colossal de la Seconde Guerre mondiale, hésite d’abord à s’engager massivement, mais le gouvernement libéral de Louis Saint-Laurent choisit finalement de répondre à l’appel, surtout pour soutenir le principe de sécurité collective et démontrer son appui au système onusien.
Sur le plan naval, le Canada intervient très tôt. Dès l’été 1950, des destroyers de la Marine royale canadienne sont déployés en mer du Japon et en mer Jaune. Leur rôle est crucial : escortes de convois, bombardements côtiers, surveillance et patrouilles. Les navires canadiens participent notamment à l’appui des troupes onusiennes lors des manœuvres autour d’Incheon et à la protection des lignes d’approvisionnement maritimes, essentielles dans un théâtre d’opérations montagneux et difficile.
Sur terre, l’effort canadien se concrétise par la création du 25e groupe-brigade d’infanterie canadienne. Ce contingent comprend principalement trois bataillons d’infanterie, soutenus par l’artillerie, le génie et les services logistiques. Les soldats canadiens arrivent progressivement à partir de 1951 et sont intégrés au 1er Corps du Commonwealth, aux côtés des forces britanniques, australiennes et néo-zélandaises. Leur mission : tenir le front, participer aux patrouilles, aux assauts limités et aux opérations de défense dans un conflit qui se transforme rapidement en guerre de positions.
Un des épisodes les plus célèbres de la contribution canadienne est la bataille de Kapyong, en avril 1951. Le 2e Bataillon du Princess Patricia’s Canadian Light Infantry, avec des troupes australiennes, tient une position stratégique face à une offensive massive des forces chinoises. Malgré leur infériorité numérique, les soldats canadiens résistent aux assauts répétés, souvent au corps-à-corps, et empêchent une percée qui aurait pu menacer Séoul. Pour sa conduite exemplaire, le bataillon reçoit une citation présidentielle américaine, l’une des plus hautes distinctions collectives.
Au-delà de Kapyong, les Canadiens participent à de nombreux combats moins médiatisés mais tout aussi meurtriers : opérations de patrouille dans le no man’s land, prise et défense de collines stratégiques, guerre de tranchées sous les tirs d’artillerie et dans des conditions climatiques extrêmes. L’hiver coréen, avec ses températures glaciales, marque profondément les vétérans, tout comme la chaleur étouffante de l’été.
L’Aviation royale canadienne joue un rôle plus limité mais significatif. Des pilotes canadiens servent au sein d’unités de l’US Air Force ou de la Royal Air Force, notamment dans des missions de transport, de reconnaissance et de chasse. Le Canada met aussi à contribution des escadrons de transport pour acheminer troupes et matériel, démontrant l’importance de la logistique aérienne dans ce conflit.
Au total, environ 26 000 Canadiens servent en Corée et dans les environs entre 1950 et 1953. Plus de 500 y trouvent la mort, et des milliers d’autres reviennent blessés ou marqués à vie, physiquement ou psychologiquement. Même après l’armistice du 27 juillet 1953, qui met fin aux combats sans aboutir à un traité de paix formel, le Canada maintient des troupes sur place pendant plusieurs années dans le cadre des forces de maintien de la paix, contribuant à la stabilité de la péninsule.
L’implication canadienne en Corée a plusieurs conséquences durables. Sur le plan international, elle confirme le rôle du Canada comme « puissance moyenne » engagée dans la défense de l’ordre international et du multilatéralisme. Sur le plan militaire, elle accélère la modernisation des Forces armées canadiennes et renforce la coopération avec les alliés du Commonwealth et les États-Unis. Sur le plan humain et mémoriel, la guerre de Corée demeure longtemps « la guerre oubliée », éclipsée par la Seconde Guerre mondiale et, plus tard, par la guerre du Vietnam. Ce n’est que progressivement que le sacrifice des vétérans coréens reçoit une reconnaissance plus large, à travers des monuments, des commémorations et des travaux historiques.
Aujourd’hui, la participation canadienne à la guerre de Corée est vue comme un moment clé où le Canada a choisi de défendre activement les principes de la Charte des Nations unies, en acceptant de payer le prix humain d’un engagement pour la sécurité collective à l’autre bout du monde.




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