L’application de l’article 636 du Code de la sécurité routière au Québec (2025)
- Martin

- 10 nov.
- 2 min de lecture
Pendant des décennies, l’article 636 du Code de la sécurité routière (C-24.2) a donné aux agents de la paix le pouvoir d’ordonner à tout conducteur d’immobiliser son véhicule; le conducteur devait s’y conformer « sans délai ». C’est le cœur du texte: un policier identifiable, dans l’exercice de ses fonctions prévues au Code, peut exiger l’arrêt d’un véhicule.
Ce que cela signifiait en pratique
Ce pouvoir a longtemps servi à des fins de sécurité routière: vérification de permis et d’immatriculation, conformité de l’équipement, dépistage de l’alcool au volant (notamment dans des opérations structurées comme les points de contrôle). L’obligation d’obtempérer demeure inscrite dans le Code; refuser de s’arrêter constitue une infraction.
Un virage jurisprudentiel majeur
En 2024, dans Procureur général du Québec c. Luamba, la Cour d’appel du Québec a conclu que les interceptions routières aléatoires permises par l’art. 636 portent une atteinte injustifiée aux droits protégés par la Charte (art. 9 et 15), a déclaré l’article 636 inopérant et en a suspendu l’invalidité pour six mois. Cette suspension visait à laisser le temps au législateur et aux services policiers d’ajuster leurs pratiques.
Où en est-on en 2025?
Le 1er mai 2025, la Cour suprême du Canada a accordé l’autorisation d’appel au Procureur général du Québec. Autrement dit, l’issue finale est maintenant entre les mains du plus haut tribunal du pays.
Dans l’intervalle, le ministère de la Sécurité publique a publié des lignes directrices pour encadrer les interpellations et interceptions: en attendant le jugement final, une interception fondée sur l’art. 636 doit être effectuée uniquement dans les situations prévues par la directive (p. ex., contextes explicitement listés, opérations structurées), et la collecte de données se poursuit notamment pour le dépistage obligatoire prévu au par. 320.27(2) du Code criminel.
Concrètement, pour les conducteurs
1. Si un policier vous ordonne de vous arrêter, vous devez le faire — l’obligation d’obtempérer reste au Code. 2) Les policiers peuvent toujours vous intercepter lorsqu’ils constatent une infraction apparente (excès de vitesse, cellulaire, ceinture, équipement défectueux) ou dans le cadre d’opérations structurées conformes aux directives. 3) Ayez vos papiers (permis, certificat d’immatriculation, preuve d’assurance) et gardez un comportement calme et sécuritaire. 4) Si vous contestez la légalité de l’interception, le forum approprié demeure le tribunal, où la jurisprudence récente sur l’art. 636 pourra être invoquée.
Et pour les organisations policières
Les corps policiers doivent arrimer leurs pratiques à la directive ministérielle: formation continue, consignation des motifs, recours prioritaire aux opérations structurées, et vigilance accrue quant aux risques de profilage. L’arrêt de la Cour d’appel souligne que les avantages des interceptions aléatoires ne l’emportent pas sur leurs effets préjudiciables, ce qui éclaire la proportionnalité attendue des interventions.
À retenir
Le texte de l’art. 636 subsiste, mais son application sans motif est sous un régime transitoire en attendant la décision de la Cour suprême.
Les directives ministérielles encadrent strictement les cas où l’on peut s’y appuyer.
Les interceptions pour infractions observées et les points de contrôle structurés demeurent permis, dans le respect des chartes et des directives.
Pour toute situation précise, consultez un juriste ou votre service juridique interne.




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